George Wald.
La circoncision. 1975.
Chaque année, début février, après ma dernière
conférence à Harvard, je vais me reposer un moment dans l'arrière-pays. En
février dernier, ce fut au Mexique, pour visiter deux tribus indiennes isolées
de la Sierra Madre. En chemin, je me suis arrêté pour donner une conférence à
l'Université d'état de Floride à Tallahassee. C'était une grande conférence publique,
suivie d'une discussion et d'une réception.
Vers la fin, un jeune homme est venu me trouver,
barbu, beaucoup de cheveux, chemise ouverte, jeans[1]. Il m'a présenté son
épouse et sa mère, une femme imposante, portant le bébé du jeune couple, âgé de
sept mois . "Quand quittez-vous Tallahassee ?" m'a-t-il demandé.
Je lui ai parlé d'un vol pour Atlanta le lendemain matin à sept heures, pour aller
prendre l'avion pour Mexico. "Puis-je vous conduire à l'aéroport ?"
"Oui, merci." lui ai-je dit sans réfléchir, "si votre voiture
marche." "Nous en avons trois." dit-il, "et l'une d'elle
marchera sûrement."
Et, à six heures lendemain matin, il est venu me
chercher et nous partîmes pour l'aéroport. Après un moment, il me dit :
"Avez-vous beaucoup réfléchi à la circoncision ?"
"Non," dis-je, un peu surpris, "Je n'y
ai jamais réfléchi."
"Eh bien, j'y ai beaucoup pensé", dit-il,
"J'y pense depuis des années. Je pense que c'est une chose terrible à
faire à un nourrisson qui vient de commencer le combat de la vie, qui vient de quitter
la chaleur et la sécurité de la matrice pour arriver dans un monde froid et
étranger, de le saluer au couteau, par une mutilation. Je n'ai jamais pu pardonner
cela à ma mère."
"Il ya quelques années," poursuivit-il,
"j'ai réalisé que pour faire de nouveaux progrès dans mes réflexions, je
devais les rendre publiques. Alors, j'ai préparé quelques panneaux soigneusement
calligraphiés; et comme il y avait du vent, j'ai demandé à mon jeune frère de
venir m'aider à les transporter. J'ai parlé à mon père de notre projet.
"Eh bien, mon fils," me dit-il "Tu sais que je t'ai presque
toujours soutenu, mais je crois que je vais m'abstenir cette fois-ci."
"Nous sommes allés à l'entrée d'un grand
hôpital général sur une route principale et avons commencé notre manifestation.
L'un des panneaux disait : LA CIRCONCISION EST UN CRIME SEXUEL. L'autre :
CRIMINELS SEXUELS A LOUER ? DEMANDEZ ICI.
"Presque toutes les voitures qui sont passées ont
ralenti pour lire nos panneaux. Puis quelque chose d'intéressant est survenu.
Il y avait une différence dans la manière dont les hommes et les femmes
réagissaient. Certains de ces hommes étaient avec nous. Ils penchaient, saluaient
de la main, et disaient des choses comme : "Bien dit, garçons !" Et
"Bravo !"
"Mais les femmes étaient furieuses. Elles nous
montraient le poing, et certaines s'arrêtaient pour nous insulter. Vous seriez
surpris de leur langage."
"Au bout d'un moment, la police est venue et
nous a arrêtés pour trouble à l'ordre public. Nous avons passé l'après-midi en
prison, versé une caution et nous sommes rentrés à la maison."
Pendant ce temps, nous étions arrivés à l'aéroport.
Mon avion était en retard, aussi, nous nous sommes assis et avons continué à
parler. Jusque-là, j'avais écouté, intéressé, un peu amusé, pas impliqué.
Soudain, il a dit quelque chose qui m'a frappé.
"Il me semble," dit-il, "que le
prépuce est l'élément féminin du mâle. C'est de la chair entourant chaudement
le pénis; une sorte de vagin masculin." "Mon dieu !" dis-je,"
C'est merveilleux ! Parce qu'on nous a toujours dit que le clitoris est l'élément
mâle de la femelle ! "Et je lui ai parlé des Dogons.
L'événement primitif : un rite d'initiation
Les Dogons sont un peuple d'Afrique occidentale
vivant au Mali, au sud de la grande boucle du Niger. Il y a longtemps que je me
suis intéressé à eux, à travers leurs très originales sculptures sur bois. J'ai
eu l'espoir de les visiter en avril dernier; mais juste avant de partir, j'ai appris
que le mois d'avril est le pire de l'année dans cette région : des températures
proches de 40 degrés et des pluies torrentielles rendant les routes impraticables.
Aussi, j'ai dû y renoncer.
Les Dogons ont un extraordinaire mythe de la
création. La déesse primitive, Amma, a fait la terre avec de l'argile avec la
forme d'une femme couchée sur le dos. Puis, Amma, étant solitaire, a voulu copuler
avec elle. Son vagin était une fourmilière; mais à côté, il y avait un clitoris
: une termitière. (Ces éléments me sont devenus plus clairs lorsque je suis
tombé sur une photo d'un champ de termitières. Ce ne sont pas de larges, éminences
arrondies comme les fourmilières, mais de minces et hautes colonnes phalliques).
Comme Amma approchait la Terre pour copuler avec
elle, l'élément mâle, la termitière, se souleva contre lui. Aussi, elle dut
d'abord la détruire.
Soudain, tout s'est remis en place. Les Dogons,
comme beaucoup d'autres peuples africains, circoncisent les garçons et excisent
les filles, non dans la petite enfance, mais à ou près de la puberté, comme
rite d'initiation. Chez les filles, le clitoris est coupé, avec les petites
lèvres dans certaines tribus. Jusqu'à la puberté, chaque enfant Dogon est estimé
être à un certain degré bisexuel, gynandromorphe ; et cela est acceptable, parce
qu'il n’y a pas encore de rôle sexuel sérieux à remplir. Mais alors, en
préparation à la vie adulte, les garçons sont rendus entièrement mâles en leur
enlevant le prépuce, leur organe femelle; et les filles sont faites entièrement
femelles par l'excision du clitoris.
Il n'y a pas besoin d'improviser cette
interprétation. Les traditions tribales l'affirment clairement. Donc, en
parlant de la création de l'homme: "chaque être humain a d'abord été doté
de deux âmes de sexe différent. Chez l'homme, l'âme féminine a été située dans
le prépuce; chez la femme, l'âme masculine est dans le clitoris. . . La double
âme est un danger ; un homme doit être mâle, une femme femelle. Circoncision et
l'excision sont le remède."[2]
Je n'ai aucun doute que c'est la signification primitive
dominante de la circoncision et de l'excision : que, androgyne à un certain degré
dans la petite enfance, les enfants ont leurs rôles sexuels établis sans
équivoque à ou près de la puberté par l'ablation du prépuce des garçons et du
clitoris des filles.
Ces pratiques sont anciennes et très répandues. Elles
sont apparues sur tous les continents. "Les corps d'Egyptiens exhumés des
premiers cimetières préhistoriques, avant 4000 ans avant JC, ont révélé des
preuves de circoncision chaque fois que le corps est suffisamment bien conservé
pour rendre l'observation possible. Une réalisation de l'opération par un chirurgien
égyptien est représentée sur un bas-relief d'un tombeau égyptien du
vingt-septième ou vingt-huitième siècle avant JC dans le cimetière de Memphis.
"[3] Ce grand égyptologue croit que les anciens Hébreux, conduits par
Moïse, "né en Egypte et portant un nom égyptien" (Moïse = enfant de,
comme dans les noms pharaoniques Ahmose, Thoutmosis), ont emprunté des
Egyptiens à la fois le monothéisme du pharaon Akhenaton, le rite de la
circoncision et l'interdiction de manger du porc. Pourtant, chez les anciens
Egyptiens aussi, la circoncision était un rite de puberté, réalisé à 6-14 ans.
Il est curieux que jusqu'à une époque relativement
récente, la circoncision n'a jamais exclut les Juifs de leurs voisins. La
coutume a prévalu non seulement chez les anciens Egyptiens, mais aussi chez les
peuples sémitiques au milieu desquels les Juifs ont continué à vivre : Moabites,
Ammonites, Edomites, Phéniciens. La circoncision a beaucoup plus tendu à
diviser les Sémites des non -sémites que les juifs des autres. Pour les anciens
Juifs, l'incarnation des incirconcis était les Philistins, un peuple non-sémitique
de gens de la mer, probablement Crétois ; jusqu'au neuvième siècle. Ils ont
aussi rencontré les Assyriens, Sémites également incirconcis.
A l'avènement du Prophète, la circoncision est
devenue universelle chez les musulmans, accompagnée par l'excision dans
certains groupes. Elle est pratiquée rituellement par de nombreux peuples
d'Afrique centrale et de l'ouest, incluant les Ethiopiens, de nombreux
aborigènes australiens, les Malais, les Fidjiens et les Samoens et des tribus
indiennes d'Amérique du Nord et du Sud. (Je possède une bouteille à étrier précolombienne
de la région de Vicus au Pérou, dont le bec a la forme d'un pénis circoncis en érection)
Le rôle le plus courant de la circoncision chez tous
ces peuples est celui d'un rite d'initiation, effectué à ou à l'approche de la
puberté, souvent en préparation directe de l'accouplement ou du mariage. Il y a
des raisons de croire qu'il en a peut-être été de même chez les anciens
Hébreux. Dans l'Église chrétienne ("copte") Ethiopienne, si les
garçons sont circoncis dans la petite enfance, les filles sont excisées à ou à
l'approche de la puberté. Autant que je sache, aucun autre peuple ne circoncit aussi
tôt que les Juifs – le huitième jour – sauf aujourd'hui les Américains qui, en
raison des exigences de la pratique hospitalière, sont susceptibles de
circoncire leurs enfants le troisième ou quatrième jour [4].
L'idée qu'elle a commencé et fonctionne encore
comme une médecine préventive parcourt toutes les discussions modernes sur la
circoncision. Les adultes qui ont besoin de se faire circoncire à cause de
certains troubles du pénis ont toujours la malpropreté à l'origine de leur
trouble. John Morrison, un médecin australien, observe qu'en Australie, la circoncision
rituelle n'est pratiquée que par les tribus qui vivent dans des conditions
désertiques, dans lesquelles la combinaison de sable, de vent et la pénurie
d'eau pour se laver aurait souvent rendu la circoncision nécessaire plus tard dans
la vie, si elle n'avait pas été effectuée dans l'enfance. Il suggère que des
environnements similaires peuvent l'avoir emporté partout ailleurs où cette
coutume a surgi dans le monde (Medical Journal of Australia, 1967, p.125). [5]
Il peut bien être vrai que des millénaires
d'expériences douloureuses aient eu un rôle dans le développement de la circoncision
comme mesure de santé ritualisée. Cependant, cela ne peut tout expliquer, ni même
probablement être un motif dominant. D'un côté cela ne s'applique pas à la pratique
parallèle de l'excision, que personne n'a tenté de défendre pour des raisons
médicales. De l'autre cela ne s'applique pas à une grande variété d'autres
mutilations des organes génitaux externes pratiqués par les peuples autochtones.
Mais surtout, une telle chirurgie, effectuée dans des conditions primitives,
doit toujours avoir présenté un grave danger. Même dans des conditions
relativement impeccables dans un hôpital moderne, la circoncision provoque
parfois des complications. Faite avec des outils grossiers dans la brousse ou
dans le désert, elle doit souvent avoir provoqué des infections, des
mutilations, et parfois la mort du sujet. Il est difficile d'évaluer quel
avantage médical la circoncision pourrait offrir dans de telles conditions.
Il me semble très à propos de dire que les anciens
Juifs, loin de regarder la circoncision comme une mesure de santé, la
considéraient comme une opération dangereuse. Ainsi, il a été décidé très tôt
que ce rituel devait être épargné à enfant dont le frère était mort à la suite
de sa circoncision. Lors de la cérémonie de la circoncision, la chaise spéciale
dite réservée à Élie est laissée en place pendant trois jours, parce que ce
sont des jours de danger pour l'enfant. Moïse Maïmonide, rabbin du Caire au douzième
siècle et médecin de la cour de Saladin, a clairement exposé la question:
"Personne ne devrait circoncire lui-même ou son fils pour toute autre
raison que de pure foi ; parce que la circoncision ne ressemble pas à une
incision sur la jambe ou une marque sur le bras, mais est une opération très
difficile."[6] Considérer le rituel juif de la circoncision comme une prophylaxie
primitive est une extrapolation de recul médical moderne équivalente à l'idée
que l'interdiction de manger du porc était de prévenir la trichinose.
Comme il fallait s'y attendre, le rite de la
circoncision a également excité un grand intérêt psychanalytique. Sigmund Freud
l'a prise pour une représentation de la castration symbolique des fils par des
pères jaloux.[7] Il ya peu de preuves anthropologiques pour soutenir ce point
de vue. Il implique une prise de conscience primitive du rôle de l'homme dans
la procréation qui faisait généralement défaut, ainsi qu'un intérêt pour la
castration qui, autant que nous sachions, ne s'est jamais développé que dans
les peuples relativement sophistiqués et dans de toutes autres associations.
Bruno Bettelheim a suggéré une alternative ingénieuse : que la circoncision
peut représenter une tentative de la part des hommes d'imiter symboliquement les
rôles caractéristiques des femmes en matière de reproduction, y compris des saignements
à la puberté [ 8 ]
C'est pour moi un soulagement que de se détourner
d'interprétations aussi baroques pour la simple rationalité de la vision traditionnelle
déjà exprimée : qu'en général sous la forme d'une cérémonie de puberté, la
circoncision vise à rendre les garçons entièrement mâles, et l'excision à
rendre les filles entièrement féminines. C'est, je pense, le point de vue le
plus répandu parmi les peuples mêmes qui ont pratiqué ces rites. Je pense que
c'est la meilleure rationalisation à laquelle nous parviendrons jamais.
Je trouve aussi que le concept de bisexualité innée
du corps humain, est non seulement attrayant, mais encore bien fondé anatomiquement
et embryologiquement. Chez le fœtus humain, les organes génitaux externes sont
identiques pour les deux sexes jusqu'à la fin du troisième mois. Puis ils
commencent à se différencier. Le rudiment qui forme le pénis avec son prépuce
du clitoris chez le mâle devient le clitoris avec sa gaine chez la femelle. Les
plis qui deviennent les grandes lèvres de la femme deviennent le scrotum chez
les mâles. (Il n'y a pas d'homologue masculin du vagin.) Les hommes gardent des
mamelons rudimentaires tout au long de la vie, qui, par un traitement par
œstrogènes, peuvent se développer en seins mais jamais allaiter. (Des
autochtones ont-ils jamais excisé les mamelons chez l'homme à la puberté ?)
Le corps humain est gynandromorphique dès l'origine,
le reste à quelque degré jusqu'à la puberté, et conserve des vestiges de cette
condition long de la vie. Anatomiquement, mâle et femelle sont des variations
sur le même thème central. C'est la réalité ; ce qui nous intéresse ici sont
les mutilations pratiquées pour déformer cette réalité intrinsèque.
Celles-ci sont étonnantes dans leur étendue et
variété. Les peuples du monde entier ont fait preuve d'une préoccupation
obsessionnelle pour les organes génitaux externes (et aussi pour la bouche :
moustaches témoins, peinture de la bouche, extenseurs de lèvres, couvrant la
bouche ou voilant la partie inférieure du visage. Alimentation et reproduction
sont les deux grands instincts primaires). Les organes génitaux ont tendance à
être cachés, souvent quand rien d'autre ne l'est. Inversement, les hommes peuvent
les exhiber comme avec les braguettes européennes du 16ème siècle ; ou les
gaines de courge avec lesquelles les tribus Dani de l'ouest de la
Nouvelle-Guinée tiennent leurs membres dressés et en exagèrent grandement la
longueur (R. Gardner et KG Heider : Jardins de guerre, Random House, NY, 1968).
Certaines mutilations sont cosmétiques : les membres
masculins sont rendus plus attrayants par les scarifications et les
déformations par gonflements et protubérances. Dans certaines tribus africaines
les petites lèvres sont volontairement allongées de façon à être visibles de
l'extérieur. Certaines mutilations ont à voir avec l'obligation de la virginité.
Certains des Arabes africains pratiquent l'infibulation : l'entrée du vagin est
cousue et partiellement fermée de sorte que la copulation est impossible jusqu'à
ce que cette obstruction soit enlevée. Une mutilation masculine est
particulièrement remarquable ; certaines des tribus australiennes qui
pratiquent la circoncision la font suivre plus tard par ce qu'on appelle la
subincision ; le pénis est fendu par-dessous sur toute sa longueur, laissant
ouvert le canal de l'urètre, de sorte que par la suite, l'homme doit s'accroupir
pour uriner, comme une femme. Le membre est encore capable d'érection et de copulation
; mais je pense doit être moins efficace pour déposer le sperme sur le col.
Serait-ce une technique primitive de contraception ? Ou une manifestation
particulièrement frappante de l'envie de la mère de Bruno Bettelheim ?
C'est dans ce contexte sans d'incessantes pratiques
bizarres et d'explications grotesques que j'isole comme plus raisonnable et
significative l'idée de la circoncision comme rite de puberté, avec l'excision en
parallèle chez les filles. Avant la puberté, un certain degré de gynandromorphie
est toléré chez les deux sexes ; mais à la puberté, lorsque le sexe commence à
être vraiment important, ces mutilations rituelles transforment les garçons en purs
hommes, et les filles en pures femelles, en initiation à l'âge adulte et en préparation
au mariage et à la parentalité.
Le rite juif
Le rite juif de la circoncision est encore autre
chose, confiné aux hommes et opéré dans plus tendre enfance. Il reste pourtant des
vestiges de sa source possible comme rite de puberté ; ainsi, par exemple, le
nouveau-né de huit jours est salué comme époux "chatan".
L'injonction biblique de circoncire d'abord
apparaît sous la forme la plus pesante possible : sceller l'alliance entre Dieu
et Abraham, père des nations : "Et Dieu dit à Abraham : "Ceci est mon
alliance, que vous garderez entre moi et vous et vos descendants après toi :
tout mâle parmi vous sera circoncis. Celui qui est âgé de 8 jours parmi vous
sera circoncis et celui qui est né dans ta maison et celui qui est acheté avec
ton argent. Ainsi mon alliance sera dans votre chair une alliance perpétuelle.
Tout mâle incirconcis sera retranché de son peuple : il a violé mon alliance"
(Genèse 17 : 9-14).
Abraham avait alors quatre vingt dix neuf ans. Dieu
avait à peine fini de parler à Abraham que ce dernier circoncit lui et son fils
de 13 ans Ismaël – donc un garçon pubère, ainsi que tous ses esclaves mâles. Les
esclaves devinrent-ils ainsi juifs ? Mon ami rabbin, étudiant en profondeur ces
questions, me dit : "Presque." Ils devinrent pour ainsi dire des juifs
de seconde classe. Tous ceux qui ont été libérés par la suite, ont été acceptés
en tant que juifs à part entière. Par contre, les esclaves qui échappèrent à la
circoncision durent être vendus à des Gentils.
La circoncision est l'un des rites juifs les plus
sacrés et les plus universels, et pourtant, il a ses limites. On pourrait
penser que le commandement de circoncire est si absolu qu'il ne permet aucune
équivoque. Il est étonnant de constater qu'au contraire, tout fils d'une mère
juive est entièrement juif, circoncis ou non. Un juif dont le frère est mort à
la suite de la circoncision est dispensé de cette obligation. La Bible contient
d'autres bizarreries intéressantes.
La circoncision différée. Lorsque Josué conduisit
les Israélites au-delà du Jourdain pour revendiquer la terre promise, dieu lui
enjoignit, parmi les cérémonies d'investiture, de "fabriquer des couteaux
de silex et circoncire le peuple d'Israël". Car, bien que tous les juifs
qui étaient sortis d'Egypte aient été circoncis, ce ne était pas vrai de ceux
nés pendant les 40 années d'errance dans le désert. Aussi, cela a été fait
alors à tous les hommes de la nation, certains d'entre eux âgés de 40 ans, sur
la Colline des prépuces. Ils se sont reposés dans le camp jusqu'à la guérison
avant de continuer ( Josué 5 : 2-8 ).
La circoncision comme tactique militaire. Lorsque de
ses errances, Jacob, avec sa famille arriva dans la ville de Sichem au pays de
Canaan, sa fille Dina alla rendre visite aux femmes de la ville. Le prince de
Sichem la saisit et la viola ; mais aussi tomba amoureux d'elle et voulu
l'épouser. Mais les fils de Jacob furent scandalisés de l'indignité faite à leur
famille, et voulurent se venger. Le roi intercéda pour son fils, et proposa que
Jacob reste à Sichem et que les deux peuples se fusionnent. Les fils de Jacob
exigèrent que tous les hommes Séchemites soient circoncis. Ils acceptèrent et subirent
tous le rite. "Le troisième jour, alors qu'ils étaient souffrants, les
deux fils de Jacob, Siméon et Lévi, frères de Dina, prirent leurs épées,
s'emparèrent à l'improviste de la ville, et tuèrent tous les mâles." Alors
ils prirent tout pour eux, y compris les femmes et les enfants ; et ramenèrent
Dinah. Jacob leur reprocha cet acte, mais seulement parce qu'il était de
mauvaise politique (Genèse 34). Pourtant, il semble l'avoir gardé en mémoire,
car sur son lit de mort il maudit leur férocité et leur cruauté, et il les
laissa sans terre seuls parmi tous ses fils (Genèse 49 : 5-7).
La circoncision comme trophée de batailles. Saul
offrit sa fille Michal comme femme à David parce qu'elle l'aimait, mais aussi
parce que Saul, jaloux de la popularité de David, prévoyait par ruse que les
Philistins le débarrasseraient d'un rival potentiel. Alors, quand David refusa modestement,
plaidant son insignifiance et sa pauvreté, Saul lui répondit que tout ce qu'il
demandait comme prix de la mariée était cent prépuces de Philistins. Cela fit
plaisir à David. Il apporta au roi deux cents prépuces et épousa la princesse (I
Samuel 18 : 20-27).
Moïse a-t-il été circoncis ? On trouve un passage
tout à fait étonnant dans l'Exode : 4 : 24-26. Il convient de rappeler que
Moïse, après avoir tué un Egyptien qui avait maltraité un Hébreu, s'enfuit vers
le Sinaï et, là, épousa Séphora, fille de Jéthro, prêtre de Madian. Alors que
Moïse faisait paître le troupeau de son beau-père, Dieu lui parla depuis le
buisson ardent, et lui ordonna de retourner en Egypte. Moïse était réticent à
le faire, mais Dieu insista; et Moïse céda finalement. Il rassembla sa famille
et prit le chemin de l'Egypte. Et voici le passage étonnant : "A un
campement de nuit sur la route, le Seigneur le rencontra et chercha à le tuer.
Séphora prit un silex et coupa le prépuce de son fils." et barbouilla du
sang sur le sexe de Moïse (ma traduction dit : "toucha ses jambes avec"
mais c'est une périphrase), en disant : "Tu es vraiment un époux par le sang
!" Et quand le Seigneur le laissa tranquille, elle ajouta "Un époux par
le sang à cause de la circoncision."
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