Circoncision : identité,
genre et pouvoir
La circoncision est
considérée comme la mitzvah (ou commandement) centrale du judaïsme. Même pour
les juifs non religieux, la circoncision continue d'être perçue comme le sine
qua non de l'identité juive. Et pourtant, à la différence de tout autre sujet
de controverse chez nous autres juifs, celui de la circoncision ne doit pas
être mis en question. Nous pouvons discuter calmement de savoir s'il y a un D…
ou pas, si D… est masculin, homosexuel, féminin ou neutre, ou si les homosexuels
peuvent devenir rabbins. Pourtant, contester la circoncision, c'est passer la
limite. A lui seul, ce tabou est révélateur de la solidité des sentiments qui
entourent cet ancien rite et de tout ce qui demeure en dessous de la surface,
dans l'épais silence où, depuis des milliers d'années, de puissantes forces se sont
coalisées.
Pour tenter de comprendre
le rôle de la circoncision dans le judaïsme, nous ne devons pas seulement étudier
sous tous ses aspects l'injonction biblique trouvée en Genèse 17 : 10-12. Nous sommes
également contraints de nous focaliser sur les fonctions desservies par la mutilation
sexuelle masculine - socialement, politiquement, psychologiquement et individuellement
- afin de voir quels sont et à qui appartiennent les besoins cachés qui sont
satisfaits. Une partie de l'information nous vient de l'érudition, une autre ne
peut provenir que de l'examen des plus subtiles ramifications résultant de
l'altération permanente des organes sexuels masculins.
La circoncision est loin
d'être unique au judaïsme. Cependant, deux éléments distinguent la version
juive de l'ablation sexuelle masculine. Tout d'abord, dans le judaïsme, la circoncision
est exprimée comme l'ordre divin qui scelle et perpétue l'alliance, la relation
contractuelle et éternelle de D…, avec le peuple juif. Ensuite, elle est
ordonnée pour le huitième jour de la vie du bébé. Mis à part ces identifiants
uniques, la circoncision dans le judaïsme ressemble beaucoup aux rites de circoncision
des autres sociétés.
Mon intention ici est de
montrer que couper une partie des organes sexuels d'un enfant est
fondamentalement une affaire de genre et de pouvoir. Cela est vrai que l'ordre
soit divin, tribal, laïque, ou pseudo-médical, et concerne les petites filles
aussi bien que les petits garçons.
Pour ceux d'entre nous
qui ont grandi avec la normalité de la circoncision des nouveau-nés mâles, cela
peut sembler une affirmation hardie, peut-être même scandaleuse. Comme Karen
Ericksen Paige et Jeffrey M. Paige l'affirment dans leur livre : La
politique du rituel de la reproduction, des nombreuses
théories avancées pour tenter d'expliquer la fonction des rituels de
reproduction, toutes conviennent que "les buts du rituel sont rarement,
voire jamais l'objet d'un savoir conscient."
Dans toutes les sociétés
circonciseuses, la circoncision répond à de multiples besoins non-exprimés,
sociaux, politico-tribaux et sexuels. Paige et Paige prétendent que la circoncision
fonctionnait originellement comme un moyen de réaliser par un rituel ce qui ne
pouvait être accompli au moyen d'un arrangement politique : c'est à dire, le
désamorçage d'éventuelles revendications concurrentielles des descendants
masculins pour les mêmes ressources limitées. Dans les sociétés
pré-industrielles, où les liens claniques et tribaux formaient la base de la
sécurité économique et militaire, l'empressement du père à exposer, sacrifier et
risquer sous le couteau le tendre organe du potentiel procréatif de son fils et
la promesse de sa progéniture mâle était une spectaculaire démonstration aux
aînés (lire les aînés mâles) de l'allégeance du père à la tribu, remarque faite
par Léonard B. Glick dans Marked in your flesh: circumcision from ancient
Judea to modern America. Pour
cette raison, la circoncision est rarement un événement chirurgical privé.
C'est bien plutôt une cérémonie communautaire accompagnée de fêtes et
célébrations. La circoncision est typiquement une déclaration publique d'allégeance
et donc pas seulement un évènement social, mais aussi une affirmation
politique. Sans un murmure sur les véritables intentions hiérarchiques de cette
cérémonie, le résultat fut toujours, et continue d'être, un rappel et une institutionnalisation
d'une structure de pouvoir fondée sur le genre.
La date de la circoncision masculine dessert les
relations socio-politiques par des moyens moins évidents. Bien que l'âge de la
circoncision varie largement dans les sociétés circonciseuses, ce qui est le
plus universellement constant est l'exigence que la circoncision ait lieu avant
le mariage. Cette règle n'établit pas seulement le statut du père dans la communauté
dominée par les mâles, elle contribue aussi à réaliser un autre objectif
saillant : les filles à marier sont formées à considérer tout homme non
circoncis comme indésirable, assurant par là la stabilité ethnique de la tribu.
Les filles savent depuis l'âge tendre qu'elles risqueraient l'ostracisme social
en s'accouplant avec un mâle incirconcis. En enculturant tous les membres du
groupe à la nécessité, la normalité et la supériorité morale de la
circoncision, circoncire les enfants ne réaffirme pas seulement la structure
politique et sociale de la tribu, mais approfondit aussi la formation identitaire
du groupe. De cette façon, la circoncision fonctionne comme une incitation
puissante et primaire à la cohésion du groupe.
A un niveau plus discret, la circoncision fait plus
que restructurer une identité fondée sur des alliances contemporaines et
historiques de genre et de pouvoir. A un niveau méta-historique et biologique,
la circoncision agit pour renommer, recadrer et invertir notre relation primaire
et fondamentale au féminin. Le fait que ce rituel d'appartenance tribale
nécessite – dans une cérémonie publique – l'ablation, l'épanchement de sang et
l'altération de l'organe sexuel de l'enfant mâle n'est pas une coïncidence.
Comme souligné par Glick, "Le sang féminin contamine, le sang masculin
purifie." Il explique ainsi : "l'épanchement du sang mâle est un acte
de consécration." Comme le remarque Nancy Jay dans son brillant ouvrage : Throughout your generations forever,
en créant des liens historiques et sociaux par un rituel sacrificiel, la
circoncision fonctionne pour dépasser et transcender notre système de relations
maternelles et biologiques le plus primaire, en faisant apparaître "naturelle
et inévitable" la hiérarchie patrilinéaire et patriarcale. Dans la préface
du même livre, Karen E. Fields commente comme suit :
"Dans aucune autre institution religieuse
majeure la dichotomie de genre n'est plus constamment importante, parmi les
prétendues traditions, qu'elle ne l'est dans le sacrifice. Ceci est vrai non
seulement des religions antiques et soi-disant primitives. Même chez les
chrétiens contemporains, plus vivement l'eucharistie est comprise comme un véritable
sacrifice, plus grande est l'opposition à ordonner les femmes… En conséquence,
une étude des sacrifices centrée sur le genre conduit à une compréhension
nouvelle : le sacrifice comme remède d'être né de femme."
Semblablement, aussi bien dans les écritures
hébraïques (Samuel 1 : 1) que dans le Nouveau testament (Matthieu 1 : 1-16 et
Luc 3 : 23-38), la légitimité s'établit par la citation et la répétition de la
lignée des géniteurs mâles. Non pertinents dans une culture à domination mâle,
les noms des mères ne sont habituellement pas mentionnés.
La circoncision subvertit la relation de la
communauté au principe donneur de vie du féminin, non seulement en oblitérant
la légitime identité de la femme dans la structuration du maillage
historico-social de sa tribu, mais aussi en la banalisant et en lui interdisant
implicitement de reconnaître, beaucoup moins que d'agir, ses plus profonds
instincts mammaires de protection de son enfant nouveau-né. Elle sait,
longtemps même avant d'avoir conçu, que pour que son enfant mâle soit relié à
la communauté masculine – passée, présente et future – et à un Dieu à image masculine,
elle doit le remettre aux hommes armés d'un couteau pour couper, blesser et
provoquer une grande douleur au très vulnérable organe sexuel de ce nouveau-né.
Habituellement, les sentiments d'une mère sont écartés ou ridiculisés. Sa voix
est tue, même à elle-même.
Peut-il s'agir d'une coïncidence si nous avons des
termes pour désigner la perte de puissance primaire pour les hommes mais pas pour
les femmes ? Lorsque les hommes sont blessés dans leur puissance primaire de
masculinité, on dit qu'ils ont été "émasculés." Lorsque les femmes
sont blessées dans leur puissance primaire de féminité, nous nous en apercevons
rarement. Nous n'avons pas de termes, pas de structure conceptuelle, pas de mot
pour protester et moins encore pour tenter de guérir l'expérience de la perte
de la puissance femelle fondamentale.
La blessure de la circoncision altère
irréversiblement à la fois la mère et l'enfant : la mère est brisée au fondement
de sa sagesse matricielle la plus profonde, qui sait qu'elle doit protéger son
enfant quoi qu'il arrive ; et le bébé, choqué et traumatisé, est brisé dans sa
capacité de faire entièrement confiance aux bras protecteurs de la mère vers
lesquels il s'est biologiquement et naturellement tourné comme vers sa source primordiale
de sécurité. Depuis le début, la masculinité est maintenant définie comme le
fait d'être coupé de la mère et de tout ce qui est femelle, nourrissant et
essentiel à la survie humaine. Les femmes sont ainsi rendues complices de ce
modèle de maternité défini de façon masculine. Nancy Jay affirme : "Le
genre est donc inégalé comme pierre angulaire de la domination." La
circoncision est l'arme qui ne détruit pas seulement le prépuce d'un garçon
mais excise aussi adroitement l'autorité maternelle sur le bien-être ultime de
son enfant. Car s'il est interdit à une femme de se sentir autorisée dans son
besoin instinctif de protéger son enfant nouveau-né, auxquels de ses propres sentiments
pourra-t-elle jamais croire ?
Dans toutes les sociétés circonciseuses, le
sacrifice subi par l'enfant est considéré comme accessoire aux forces sociales,
politiques et/ou religieuses qui l'exigent. En particulier, le caractère
extrême de la douleur du bébé est dénié, ignoré, ou bien fait l'objet
d'innombrables plaisanteries. Parce que nous autres Juifs circoncisons à l'âge
de huit jours, où un enfant est facilement dominé et où il ne se souviendra pas
de l'évènement, nous considérons ceux qui circoncisent plus tard comme des
barbares.
Parmi nous autres Juifs, nombreux sont capables
d'assister à un bris, c'est-à-dire une circoncision rituelle, en regardant dans
les yeux le bébé choqué, terrifié et hurlant, la tête agitée et le menton
tremblant, pendant que son prépuce est détaché de la délicate surface du gland,
coupé et écrasé, et beaucoup d'entre nous concluent que cela n'est pas
différent de la protestation habituelle d'un bébé lorsqu'on le change.
Nous ignorons ou choisissons d'ignorer non
seulement ce que nos cœurs et nos entrailles nous disent mais aussi l'abondance
des données scientifiques, de nombreuses fois répétées dans les dernières décennies,
laissant peu de doute sur la réalité de l'expérience du bébé. Les rythmes
cardiaque et respiratoire, comme les taux de cortisol des bébés qu'on circoncit
attestent sans ambigüité de la conclusion que la circoncision est atrocement
douloureuse pour n'importe quel bébé. Et, comme c'est le cas dans les autres
traumatismes graves du développement néo-natal, les implications de séquelles
durables dans le système nerveux central sont graves (pour information sur ce
sujet, consultez Male and female circumcision: medical, legal and ethical considerations
in pediatric practice). La science n'a pas encore attaché son attention à
identifier quelles peuvent être ces séquelles. Cependant, un minimum de connaissances
psychologiques suffisent à suggérer que les thèmes de la confiance, de la peur,
de l'intimité, de la sexualité et du genre seraient de judicieux domaines de recherche
universitaire. Alors que traumatiser un enfant n'est ni l'intention affirmée ni
l'intention consciente de la circoncision, c'est un corollaire inévitable de l'ablation
des organes sexuels d'un enfant avec des altérations potentielles du système
nerveux peut-être non précisées mais difficilement insignifiantes.
Bien que le fait soit vigoureusement dénié par les
partisans de la circoncision, l'ablation forcée du prépuce a aussi des effets profonds
et durables sur l'expérience sexuelle d'un mâle. Même dans l'antiquité, lorsque
la circoncision était moins radicale qu'elle ne l'est aujourd'hui, la qualité
unique du prépuce était reconnue. Dans le judaïsme biblique, la circoncision
consistait à couper la partie du prépuce dépassant le gland, laissant la plus
grande partie intacte. L'arrachement et l'ablation totale du prépuce entier,
connue sous le nom de periah, ne fut
inventée par décret rabbinique qu'aux temps hellénistiques, en réponse à la pratique
de certains juifs qui essayaient d'éviter d'être ridiculisés par leurs
camarades athlètes grecs en tentant d'étirer leurs prépuces pour ne pas avoir
l'air circoncis.
Le juif hellénistique Philon, au premier siècle
après JC, et Moses Maïmonide, aussi connu dans la tradition juive du XIIème
siècle comme le Grand Rambam, écrivirent tous deux sur les conséquences de la
suppression violente de la partie la plus sensuelle de l'organe sexuel de
l'homme avant qu'il soit en âge de comprendre ou de consentir à cette perte.
Philon écrivit dans "Les lois spéciales" que "l'excision du
plaisir [provoquée par la circoncision]… est tout à fait nécessaire à notre
bien-être." Plusieurs siècles plus tard, C.J. Cold and J.R. Taylor
confirmèrent dans le British Journal of Urology que les effets de la circoncision sur la sexualité étaient, en effet,
significatifs, lorsqu'ils découvrirent qu'il y a plus de 20 000 cellules
réceptives spécialisées de toucher fin dans le prépuce humain, qui fonctionnent
pour permettre des sensations et un contrôle beaucoup plus nuancés qu'aucun
autre tissu pénien.
De surcroît, l'ablation du prépuce crée une perte
secondaire de sensibilité : non seulement le tissu érogène le plus sensible de
l'organe sexuel mâle a été ôté mais, avec l'âge, le gland perd sa couverture
muqueuse, se dessèche et se kératinise. En particulier, à l'âge mûr, le gland
du pénis circoncis a perdu beaucoup de son potentiel réceptif et l'homme a
besoin de stimulation plus abrasive pour parvenir à l'orgasme. Souvent, cela se
produit juste au moment où la femme devient péri-ménopausée et connait une diminution
de lubrification vaginale. Le problème est habituellement identifié comme
l'entrée de la femme dans la ménopause ; la contribution du partenaire circoncis
est rarement reconnue. De façon subtile mais profonde, la circoncision
fonctionne pour diminuer le potentiel de plaisir de l'homme, subordonnant son lien à sa partenaire à son
lien à ses pairs masculins tribaux. Philon et Maïmonide savaient tous deux sans
le moindre doute que, comme dans tous les autres aspects de la biologie,
altérer la forme altère la fonction. Voici ce que Maïmonide, le grand
philosophe, physicien et talmudiste, avait à dire dans son fameux livre : Le guide des égarés, écrit en 1160 :
"Le fait que la circoncision diminue la
faculté d'excitation sexuelle et quelquefois même "diminue le plaisir est
incontestable. Car si l'on a fait saigner ce membre à la naissance "et
qu'on lui en a enlevé la couverture, il doit incontestablement être affaibli.
Les sages, "bénie soit leur mémoire, ont explicitement affirmé : "Il est difficile à une femme avec qui "un
incirconcis a eu des relations sexuelles de se séparer de lui. (Genesis
Rabbah "LXXX). C'est à mon avis la plus forte des raisons en faveur de la
circoncision."
Voilà bien les peurs patriarcales jumelles : la
peur de la femme et la peur du plaisir. La circoncision est à la fois le
véhicule et le produit, la menace et l'antidote qui calme et perpétue
simultanément ces antiques terreurs. C'est là le résultat et la fonction
véritable de la circoncision. La circoncision réalise cela en violant brutalement
le lien mère-nourrisson peu après la naissance, par l'amputation et le marquage
de l'organe sexuel du bébé avant qu'il sache ce qu'il a perdu, en niant toute
reconnaissance, en "matant" la mère au faîte de son besoin instinctif
de protéger son enfant ; en attachant le bébé à la communauté des hommes passés,
présents et futurs et à une image mâle de D…, en restructurant la famille et la
société en termes de domination masculine, et en blessant psycho-sexuellement
la virilité encore endormie dans le bébé confiant. De toutes ces façons –
socialement, politiquement, religieusement, ethniquement, sexuellement, tribalement
et interpersonnellement – l'ablation des organes sexuels de nos garçons est le
pivot autour duquel le patriarcat exerce son pouvoir. La circoncision est un
rite de domination masculine – domination et légitimation de la domination sur les
autres hommes, les femmes, et les enfants, à la fois institutionnellement et
personnellement. C'est l'essence du patriarcat.
Cependant, ce serait une simplification grossière
que de caractériser le judaïsme comme une religion purement patriarcale, et il ne
serait pas non plus exact de voir dans le judaïsme la source du patriarcat dans
les religions occidentales. L'emphase catégorique et minutieuse sur la vie en
ce bas monde, sur la sainteté de toute vie comme valeur organisatrice primaire
à travers les textes bibliques et talmudiques est en complète contradiction
avec la pratique de la circoncision. Enlever un tissu sexuel fonctionnel est
nuisible : c'est nuisible à l'enfant, au potentiel de plaisir et à
l'attachement sexuel de l'homme mûr, et à la mère qui est entraînée à renoncer
à son lien sacré avec son nourrisson pour que sa masculinité soit redéfinie
selon les termes de sa communauté.
Les rabbins expliquent que, parce que les femmes
sont plus proches du divin à cause de notre capacité de donner la naissance et
à assurer la vie, les hommes ont besoin d'autres moyens pour accéder à la
spiritualité – la circoncision étant le principal. Cependant, l'idée que le
traumatisme peut être un chemin de bona fide, beaucoup moins qu'un chemin
éthique, vers une plus grande conscience spirituelle soulèverait de véhémentes
protestations des néonatologistes et épigénétistes contemporains. Ce qui est
contraire à l'éthique ne peut être spirituel. La dichotomie et la hiérarchie
supposées et enseignées, depuis des millénaires dans de multiples religions,
entre vitalité sexuelle et spiritualité est fausse et a conduit à des siècles
de souffrance humaine. Le sexisme spirituel est encore du sexisme et doit être
rejeté.
Je me souviens du jour où j'ai appris l'existence
du phénomène des mutilations sexuelles féminines. J'étais consternée. Comment
pouvaient-ils ? Comment quiconque pouvait-il ? Il m'a fallu des années avant de
pouvoir entendre leurs voix : "C'est ça que nous sommes, ça que avons été
pendant des milliers d'années." "Personne ne nous épousera si nous ne
sommes pas coupées." "Les parties sexuelles intactes sont
laides." Elles sont antihygiéniques." Puis, j'ai réalisé… nous disons
la même chose.
Oui, il y a des différences significatives entre
les coupures mâles et femelles, mais il n'est pas honnête de revendiquer
que l'une est physiquement et sexuellement insignifiante et l'autre barbare ;
que l'une est éclairée, l'autre primitive. Immobiliser un enfant et lui couper
les parties sexuelles de force est un abus sexuel. Nous n'hésiterions pas à
utiliser cette qualification pour un individu ou une culture qui encouragerait
la caresse sexuelle des enfants. Pourquoi pensons-nous que le découpage des parties
sexuelles est acceptable ? La circoncision n'est pas sainte, elle ne transmet
pas l'héritage spirituel juif, elle ne garantit pas non plus la continuité
juive.
Pour des raisons religieuses aussi bien que
tribales et laïques, de nombreux juifs croient que "la circoncision assure
notre survie." Sans la circoncision, nous disons-nous, le peuple juif
disparaitra, prédiction très effrayante pour un peuple pour qui l'annihilation
est une perpétuelle possibilité. Encore une fois, le sexisme transparent dans
une telle affirmation n'est que trop apparent. Les mâles sont-ils les seuls
juifs qui comptent ? La contribution des femmes juives est-elle inconsistante,
invisible et insignifiante ? Plus fondamentalement, pourquoi les femmes juives
peuvent-elles perpétuer notre héritage spirituel et demeurer entières alors que
les hommes juifs ne le peuvent pas ? Comment, en effet, la circoncision
a-t-elle prolongé notre survie aux époques désespérées des purges des Juifs
lorsque l'ennemi n'avait qu'à baisser les pantalons pour éliminer les mâles
juifs ?
Aux Etats-Unis, où la plupart des hommes de plus de
trente ans ont été circoncis, ou au Moyen-Orient où la circoncision est la
norme pour les Musulmans, les hommes juifs nus sont-ils distinguables de leurs
homologues non-juifs ? Et si la circoncision est la protection quintessentielle
de l'identité juive, pourquoi avons-nous aux Etats-Unis des dizaines de
milliers de juifs qui ont eu les parties sexuelles altérées radicalement et en
permanence mais sont ignorants du judaïsme et complètement non-affiliés aux
communautés juives ? La question de savoir comment nous devons assurer et
soutenir la survie juive est extrêmement grave, mais la réponse n'est pas la
circoncision.
Un rabbin orthodoxe interviewé par Eliyahu Unger-Sargon
dans son superbe film : Cut: slicing through the myths of circumcision
déclarait sans équivoque que la circoncision était équivalente à un abus
sexuel. Cependant, cet homme réfléchi poursuivi pour justifier la pratique de
la circoncision pour raisons religieuses, en disant que c'est là que "ça bloque" si vous êtes juif. C'est un
commandement. Nous n'avons pas le choix.
En effet, nous avons le choix. Ce qui est sacré,
c'est notre obligation de protéger l'intégrité et l'intimité de la totalité des
parties sexuelles de nos enfants. Ils ne sont pas le territoire de la famille,
de la communauté, ou de n'importe qui d'autre. Spiritualiser la blessure de la
circoncision ne change pas le dommage, ni ne le rend éthique. Comme nous
l'apprend le Deutéronome (30 : 6), ce qui est véritablement exigé de nous pour
accéder au divin a à voir avec l'architecture du cœur, pas avec l'altération
des parties sexuelles mâles. Créer un foyer juif joyeux et aimant et procurer à
nos enfants une éducation juive significative et en profondeur, sont les seuls
moyens authentiques que nous ayons pour assurer la survie. Couper les pénis de
nos bébés ne le fera pas.
Le brit milah
n'a été ordonné pour raison hygiénique ni dans les textes bibliques ni dans le
Talmud. Cependant, aux Etats-Unis, la circoncision néo-natale de routine a été
la norme, en dépit de la règle fondamentale de toute la pratique médicale U.S.
qui exige que la chirurgie ne soit pratiquée qu'en dernier ressort et non en
stratégie préventive, en particulier lorsqu'il s'agit de tissu sain sur des
mineurs non-consentants. Pour ces raisons et d'autres, les sociétés médicales
de Hollande, de Finlande, d'Australie, du Canada et du Royaume-Uni ont
explicitement déclaré que la circoncision néo-natale de routine est médicalement
déconseillée et contraire à l'intérêt de l'enfant. Promouvoir la circoncision
pour de présumés bénéfices sanitaires n'est ni une position juive authentique
ni une position médicalement valide.
La circoncision peut être un rite antique mais il
est mauvais. A travers les âges, le judaïsme a fait preuve d'une capacité
remarquable à muter dans la pratique et à conserver l'intégrité de son héritage
spirituel. Le judaïsme n'a pas été vaincu lorsque le premier temple fut
détruit, ni lorsque le deuxième fut rasé. L'abandon des sacrifices animaux
comme mode premier de culte n'a pas entraîné une désagrégation de la
spiritualité ou de la continuité juive. Légalement, l'identité juive est définie
à la fois par la halachah (la loi juive) et par la cour suprême
israélienne d'après le statut de la mère de l'enfant : si la mère est juive,
l'enfant est juif. La circoncision ne l'emporte pas sur le lignage maternel.
Sans compromettre soit l'identité de nos enfants soit
la survie de notre peuple, nous pouvons inviter tous nos enfants juifs, nos
bébés filles et nos bébés garçons, à un brit b’lee milah, une alliance
sans circoncision, et leur enseigner la sagesse, l'amour et la beauté de la
tradition juive. A la différence du christianisme qui enseigne qu'un enfant est
né dans le péché originel et doit être racheté, le judaïsme enseigne que l'âme
est pure – seul le pénis à besoin de "rédemption". La vérité est que
le bébé tout entier est pur, corps et âme, y
compris ses tendres parties sexuelles, et le protéger est à la fois une mitzvah
et notre devoir le plus sacré.
Traduit de l'anglais par Sigismond (Michel Hervé
Navoiseau-Bertaux)
Ces vingt dernières années, Miriam Pollack, membre d'une synagogue
conservatrice, a plaidé, localement et internationalement, en faveur de
l'intactivisme. Elle est fondatrice/directrice du Centre pour l'alphabétisation
et le language de Boulder, Colorado.
Citation
: Pollack, Miriam. Circumcision: Identity, Gender, and Power. Tikkun 2011,
26 (3).
Li.La.C.
Literacy
and Language Center
303-247-0790
www.literacylanguage.com